10/03/2015

Réflexions depuis le jardin défendu

LA PRÉVENANCE DE PÈRE

Je voudrais partager une petite réflexion au sujet de notre Papa, qui m’a beaucoup aidé à mieux percevoir son amour, cependant que son visage m’apparaissait parfois comme dur.

Chacun connaît le récit du livre de Genèse, dans lequel Dieu dit à l’homme, qu’Il a créé, de ne pas manger du fruit de l’arbre qui se trouve au milieu du jardin. Ce thème a servi de point de départ à une multitude d’œuvres d’art à travers les siècles, à tel point que l’imagerie précède souvent l’écrit et en parasite le sens. N’évoque-t-on pas  souvent la pomme d’Adam,  alors  que le nom du fruit en question ne figure pas dans le texte et fait l’objet de moultes spéculations? Que nous dit l’Ecriture ?

« IHVH-Adonaï Élohim ordonne au glébeux pour dire: « De tout arbre du jardin, tu mangeras, tu mangeras, mais de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu ne mangeras pas, oui, du jour où tu en mangeras, tu mourras, tu mourras. » (Version de la Bible d’André Chouraqui)
Dieu est Père. Non seulement l’homme est-il sa créature, mais surtout son enfant. Dieu le chérit.

En amont de ce passage, il est dit que Dieu s’extasie devant l’ouvrage de ses mains. Chaque fois qu’il vient d’accomplir une œuvre, il exprime sa satisfaction en ces termes : « C’est bon ! » ou, selon la traduction de Chouraqui, « Quel bien ! ». Mais quand il s’agit de la création de l’homme et de la femme, il exprime cette satisfaction au superlatif : « C’est très bon ! » ou encore : « Quel bien intense ! ». L’homme est comme la prunelle de ses yeux. Et pour couronner cette créature d’une gloire éclatante, il lui fait don d’une réalité inestimable : la liberté.

Or, comment cette liberté peut-elle s’exprimer sans un interdit qu’il soit possible de respecter ou de transgresser ? Le Dieu du livre de la Genèse n’a pas créé une marionnette. Il laisse l’homme libre de répondre ou non à son amour. Mais en bon père, il met en garde son enfant. Il le prévient. Et c’est donc bien de cette façon qu’il convient de comprendre les termes de cet interdit que Dieu pose devant l’homme : « de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu ne mangeras pas, oui, du jour où tu en mangeras, tu mourras, tu mourras ». Il ne s’agit pas d’une menace, mais bien d’une prévenance. Nous sommes mis en présence d’un être de relation qui expose clairement à son partenaire quelles sont les règles du jeu, et quelles seraient les conséquences d’un acte frauduleux. En d’autres termes, c’est comme s’il rappelait à l’homme sa liberté tout en lui en exposant les limites.

Un artiste sait à quel point la lumière a besoin de l’ombre pour s’exprimer. Comment faire éclater la lumière sur une toile si tout est blanc ? La lumière a besoin de l’ombre pour être rendue manifeste. Dans ce sens, la liberté a besoin de l’interdit pour être clairement révélée.

Par ailleurs, l’interdit posé par Dieu n’est pas, comme le serpent tentera de la faire croire à la femme dans la suite du récit, une limitation du potentiel dont l’homme dispose réellement. Que de fois n’avons-nous pas fait cette expérience par laquelle une apparente restriction de notre liberté de mouvement nous aura protégés d’un danger ou conduits à développer davantage certaines de nos facultés, notamment notre créativité ?

Enfin, Dieu est un père honnête, qui respecte les lois qu’il a lui-même mises en place, dussent-elles le mettre en fâcheuse position. Il prend le risque de perdre ceux qu’il aime si ces derniers devaient transgresser l’interdit et, par voie de conséquence, mourir. Dieu n’est donc pas une espèce de juge sévère ou de despote imbu de son pouvoir. Il démontre ici à quel point il est épris de l’homme et la femme qu’il a créés pour se tenir en vis-à-vis devant Lui.

Le maître-mot de ce récit pourrait être « confiance ». Dieu nous invite à faire confiance à sa parole, tout comme un papa le fait avec son enfant. Quiconque défierait sans cesse les limites posées par ses parents aurait tôt fait d’aller à sa perte. Quand un papa dit à un enfant de trois ans : « pose ce couteau de cuisine sur la table, sinon tu vas te couper », ce n’est pas pour ennuyer son enfant qu’il le fait, ni pour restreindre sa liberté de mouvement, mais, au contraire, pour le protéger à un stade de sa croissance où il ne peut pas encore faire usage d’un outil dont il pourra néanmoins s’aider plus tard ; par ailleurs, Dieu fait une telle confiance à l’homme que ce dernier a la possibilité d’en abuser à ses dépens. Dieu est amour, Dieu notre Père. 

Phil Edengarden

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