LA PRÉVENANCE DE PÈRE
Je voudrais
partager une petite réflexion au sujet de notre Papa, qui m’a beaucoup aidé à
mieux percevoir son amour, cependant que son visage m’apparaissait parfois
comme dur.
Chacun
connaît le récit du livre de Genèse, dans lequel Dieu dit à l’homme, qu’Il a
créé, de ne pas manger du fruit de l’arbre qui se trouve au milieu du jardin.
Ce thème a servi de point de départ à une multitude d’œuvres d’art à travers
les siècles, à tel point que l’imagerie précède souvent l’écrit et en parasite
le sens. N’évoque-t-on pas souvent la
pomme d’Adam, alors que le nom du fruit en question ne figure pas
dans le texte et fait l’objet de moultes spéculations? Que nous dit l’Ecriture
?
«
IHVH-Adonaï Élohim ordonne au glébeux pour dire: « De tout arbre du jardin, tu
mangeras, tu mangeras, mais de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu
ne mangeras pas, oui, du jour où tu en mangeras, tu mourras, tu mourras. »
(Version de la Bible d’André Chouraqui)
Dieu est
Père. Non seulement l’homme est-il sa créature, mais surtout son enfant. Dieu
le chérit.
En amont de
ce passage, il est dit que Dieu s’extasie devant l’ouvrage de ses mains. Chaque
fois qu’il vient d’accomplir une œuvre, il exprime sa satisfaction en ces
termes : « C’est bon ! » ou, selon la traduction de Chouraqui, « Quel bien ! ».
Mais quand il s’agit de la création de l’homme et de la femme, il exprime cette
satisfaction au superlatif : « C’est très bon ! » ou encore : « Quel bien
intense ! ». L’homme est comme la prunelle de ses yeux. Et pour couronner cette
créature d’une gloire éclatante, il lui fait don d’une réalité inestimable : la
liberté.
Or, comment
cette liberté peut-elle s’exprimer sans un interdit qu’il soit possible de
respecter ou de transgresser ? Le Dieu du livre de la Genèse n’a pas créé une
marionnette. Il laisse l’homme libre de répondre ou non à son amour. Mais en
bon père, il met en garde son enfant. Il le prévient. Et c’est donc bien de
cette façon qu’il convient de comprendre les termes de cet interdit que Dieu
pose devant l’homme : « de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu ne
mangeras pas, oui, du jour où tu en mangeras, tu mourras, tu mourras ». Il ne
s’agit pas d’une menace, mais bien d’une prévenance. Nous sommes mis en
présence d’un être de relation qui expose clairement à son partenaire quelles
sont les règles du jeu, et quelles seraient les conséquences d’un acte
frauduleux. En d’autres termes, c’est comme s’il rappelait à l’homme sa liberté
tout en lui en exposant les limites.
Un artiste
sait à quel point la lumière a besoin de l’ombre pour s’exprimer. Comment faire
éclater la lumière sur une toile si tout est blanc ? La lumière a besoin de
l’ombre pour être rendue manifeste. Dans ce sens, la liberté a besoin de
l’interdit pour être clairement révélée.
Par
ailleurs, l’interdit posé par Dieu n’est pas, comme le serpent tentera de la
faire croire à la femme dans la suite du récit, une limitation du potentiel
dont l’homme dispose réellement. Que de fois n’avons-nous pas fait cette
expérience par laquelle une apparente restriction de notre liberté de mouvement
nous aura protégés d’un danger ou conduits à développer davantage certaines de
nos facultés, notamment notre créativité ?
Enfin, Dieu
est un père honnête, qui respecte les lois qu’il a lui-même mises en place,
dussent-elles le mettre en fâcheuse position. Il prend le risque de perdre ceux
qu’il aime si ces derniers devaient transgresser l’interdit et, par voie de
conséquence, mourir. Dieu n’est donc pas une espèce de juge sévère ou de
despote imbu de son pouvoir. Il démontre ici à quel point il est épris de
l’homme et la femme qu’il a créés pour se tenir en vis-à-vis devant Lui.
Le maître-mot de ce récit pourrait être « confiance ». Dieu nous invite à faire confiance à sa parole, tout comme un papa le fait avec son enfant. Quiconque défierait
sans cesse les limites posées par ses parents aurait tôt fait d’aller à sa
perte. Quand un papa dit à un enfant de trois ans : « pose ce couteau de
cuisine sur la table, sinon tu vas te couper », ce n’est pas pour ennuyer son
enfant qu’il le fait, ni pour restreindre sa liberté de mouvement, mais, au
contraire, pour le protéger à un stade de sa croissance où il ne peut pas
encore faire usage d’un outil dont il pourra néanmoins s’aider plus tard ; par
ailleurs, Dieu fait une telle confiance à l’homme que ce dernier a la
possibilité d’en abuser à ses dépens. Dieu est amour, Dieu notre Père.
Phil Edengarden
Phil Edengarden
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